lundi 22 mai 2017

Du Revenu Universel d'Existence et de la 'valeur travail'



« Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres » E. de La Boëtie, 1574


Le revenu universel d’existence est au centre des propositions du Futur Désirable.

Il est également radical dans sa vision d’une société qui mettrait l’être devant l’avoir, l’humain devant la marchandise, l’accomplissement de soi devant le patrimoine.



 Il faut sans doute voir là la raison pour laquelle il a été tant décrié, tant sur le mode de la condescendance paternelle (« vous êtes de gentils utopistes ! » et « où allez-vous trouver l’argent ?»), que de la réprobation indignée (« encore une gauche qui ne songe qu’à dépenser !»).

 

Cette idée est pourtant combattue avec vigueur, même "à gauche"

Mais la critique la plus virulente, celle qui est définitive : » les français ne travailleront plus »


Critique naturellement attendue de la part d’une opinion de droite qui considère l’être humain comme un animal pétri de vices, dont le plus dangereux serait la paresse.

Mais également développée par ceux qui, comme Manuel Valls, se réclament de la « valeur travail ».
Ils sont malheureusement pléthore « à gauche »

Ont-ils jamais occupé un emploi salarié, ces fiers théoriciens ?
Ont-ils jamais tenu une caisse de supermarché, avec le mouchard qui reporte en temps réel votre productivité, ont-ils conduit un poids lourd de Lodz à Valence ? 
 Savent-ils ce qu’est le travail posté ?  
 Savent-ils que le salariat est d’abord fait d’humiliations et de souffrances physiques comme psychologiques ? 

Travail , valeur ou souffrance ?



Travail : du latin tripallium, instrument de torture destiné aux esclaves récalcitrants.
Anc. Français : « douleur »


Benoît Hamon a fait de la souffrance au travail un de ses thèmes de campagne.

«Comme hier, les souffrances et les frustrations du travail sont le produit de phénomènes collectifs: intensification, flexibilité, précarité. Mais la souffrance au travail s'éprouve davantage aujourd'hui sous des formes singulières, psychologiques: conflit avec les chefs, avec les collègues, sentiment de ne pas être à la hauteur. Les conditions de travail restent dures pour beaucoup de gens et la pression ne fait qu'amplifier cette dureté. La pression, c'est l'incertitude par rapport à l'emploi: est-ce que je vais le perdre, est-ce que je vais être promu, mon poste est-il garanti, ma boîte est-elle à l'abri d'une restructuration, suis-je vraiment reconnu pour ce que je fais? La pression, ce sont aussi des contraintes de temps: des horaires très lourds et de plus en plus fluctuants, une intensité du travail qui en limite l'autonomie théorique.«

Christian Baudelot et Michel Gollac dans «Travailler pour être heureux ? »Les enquêtes de sociologie

Le salariat ne résulte pas d’un choix libre mais d’une contrainte économique. 
Le travail produit de la valeur pour l’actionnaire, pas pour le salarié. 
La « valeur travail », c’est principalement une valeur boursière. 



Le chasseur-cueilleur du paléolithique occupait environ vingt heures par semaine à assurer sa subsistance. Que faisait-il du reste de son temps ? Jouer avec ses enfants, faire l’amour avec sa compagne, chanter, philosopher le soir en regardant les étoiles, peindre sa vision du monde sur les parois d’une caverne ? 
Nul ne sait au juste. 
Ce qu’on sait en revanche, c’est qu’il a définitivement aliéné sa liberté en inventant, sans aucune justification économique, l’agriculture qui l’enchaîne à la terre et le travail qui brise son corps.
Et les surplus de production, gérés par les chefs et les prêtres.
Rupture tragique dans l’histoire de l’hominisation !

La Boëtie, dans son « Discours de la servitude volontaire», exhibe, en 1574, le mécanisme essentiel de l’asservissement : l'adhésion aux valeurs !

Un travail pas efficace pour autant 


Cette discipline du travail produit-elle pour autant un système de production efficace ? Les enquêtes de sociologie du travail prouvent le contraire :

Environ 10% des salariés ont une attitude positive au travail : investissement personnel, partage des objectifs de l’entreprise. Ceux-là se recrutent la plupart du temps dans les professions intellectuelles « supérieures » et/ou, dans le secteur non marchand de l’économie.
60% sont « en retrait », c’est-à-dire se moquent complètement de ce qu’ils font 8h par jour au boulot.
30% sont dans une attitude de rejet, voire de sabotage. Il n’est pas rare qu’un même individu passe en moins d’un an des 10% d’enthousiastes au 30% de rebelles !

Le Futur que nous désirons, ce n'est pas de dormir


Laissé à lui-même, l’humain ne dort pas. 
En comparaison avec d’autres mammifères, il est plutôt suractif. En témoignent l’immense activité bénévole générée par les associations, l’agenda surchargé de certains retraités, l’intense activité créatrice des enfants, l’engouement pour le bricolage, la couture, les arts, la musique, le théâtre, le plaisir du jeu et de l'invention.
Les tâches domestiques, le soin et l'éducation des enfants, sont des richesses produites, pas des marchandises.

 

Les rêves de notre enfance, les désirs et les espoirs de nos 20 ans, il a fallu les renier, les ranger au rang de chimères, parce qu’il faut bien bouffer ! Glorieuse « valeur travail » qui nous incite à sacrifier l’essentiel de notre vie sur l’autel de la marchandise ! Scandaleux gâchis d’intelligence et de créativité !

Le Futur Désirable

Alors pourquoi ne pas admettre que l’immense production de richesses matérielles de nos sociétés est suffisante pour assurer notre subsistance sans qu’il soit besoin de travailler encore davantage ?
Que l'activité humaine est source de richesses non marchandes, de pure valeur d'usage et non de valeur d'échange ?
 Que la distribution à tous d’un revenu d’existence permettrait à chacun d’exercer ses propres choix de manière autonome ?

Associé à une réduction du temps de travail, le revenu universel d’existence aurait pour effets

 

-        De combattre la pauvreté
-        De réduire le stress lié à la menace de la perte d’emploi
-        De réduire le chantage au chômage exercé par les employeurs
-        D’absorber les secousses brutales liées à l’évolution des technologies
-        De mieux répartir son activité entre production et activité non marchande : création, solidarité, éducation, étude, bénévolat …
-        De libérer les énergies pour une véritable démocratie citoyenne.
-        De stimuler la créativité de chacun, ce dont l’ensemble de la société bénéficiera.
-        De réduire l’état de dépendance économique des femmes ainsi que des jeunes.


A Aristide Kufudakis
 

2 commentaires:

  1. Merci Aristide ! Tellement juste et vrai que j'ai juste l'impression que vous lisez en moi !
    Benoit Hamon a su nous inspirer ces pensées...
    Galet-Jade de Tweeter

    RépondreSupprimer
  2. Superbe article, merci :)

    RépondreSupprimer

Tout commentaire agressif et raciste sera enlevé, mais des dialogues constructifs sont les bienvenus

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