vendredi 23 juin 2017

Liberté, liberté chérie...



La poursuite indéfinie de l'état d'urgence a fait couler de l'encre et soulever des débats, qui sont en train de mourir dans une forme de fatalisme. La fin des débats, c'est aussi "le début de la fin" de la liberté...
Avec l'état d'urgence, à chaque attentat, on en reprend pour des mois depuis le 13 novembre 2015.


Mais toujours dans le cadre d'une "mesure d'exception", liée à un contexte particulier de danger. Certes, ce danger ne semble pas près de s'éteindre, mais on pouvait au moins penser que les mesures de l'état d'urgence restaient provisoires, même si c'est un "provisoire qui dure"...

Le projet présenté par G. Collomb de faire entrer un certain nombre de mesures liées à l'état d'urgence dans le droit commun est là. Et cela change tout. L'état d'urgence va devenir un état "normal".


L'état d'urgence a été dénoncé par certaines organisations comme un ensemble de mesures privatives de libertés, notamment dans le rapport d'Amnesty International du 04.02.2016 "Des vies bouleversées : l'impact disproportionné de l'état d'urgence en France".

Des vies bouleversées : l'impact disproportionné de l'état d'urgence en France

Mais la population ne semble pas s'émouvoir, ni des reconductions perpétuelles, ni de voir certaines mesures gravées dans le marbre du droit commun... La peur fait tout accepter... C'est pour notre bien...

Est-ce pour notre bien que nous pourrons être assignés à résidence? Sans doute... Surveillés dans nos communications personnelles? Pourquoi pas...

Pour ceux qui n'auraient pas encore essayé de s'imaginer un monde où tout est contrôlé "pour le bien de tous", je conseille vivement la lecture de 1984, d'Orwell... Je suis sûre que vous allez adorer Big Brother autant que moi... Il vous regarde... Il vous entend...


Trois choses sont à prendre en compte: l'efficacité de l'état d'urgence, les mesures proposées par le gouvernement et leurs conséquences sur la vie des citoyens...

De l'efficacité de l'état d'urgence...

Celle-ci est contestée par le simple bon sens: comment les contrôles, si pointus et poussés soient-ils, pourraient-ils empêcher la folie de sévir? Comment empêcher un "loup solitaire" de passer à l'action?

Une commission d'enquête parlementaire a conclu en juillet dernier que l'état d'urgence n'avait qu'un "impact limité" sur l'amélioration de la sécurité.
"Les plus de 40 000 perquisitions et 400 assignations à résidence ont donné lieu à seulement une dizaine de procédures judiciaires, cela pose question", explique sur France Info Vanessa Codaccioni, historienne et politologue, qui ajoute "Nous avons l'appareil anti-terroriste le pus complet, le plus fourni d'Europe [...] Le droit commun est déjà capable aujourd'hui de faire face à la menace."

Alors pourquoi en rajouter?
Il s'agit de rassurer. La population est globalement favorable à un renforcement des mesures de sécurité. Et le projet est présenté comme un moyen de mettre fin, justement, à l'état d'urgence (paradoxal, mais pas tant que cela...). Faire entrer les mesures de l'état d'urgence dans le droit commun permet d'annoncer que l'état d'urgence en tant qu'éventail de mesures d'exception est terminé puisqu'il est devenu permanent et définitif... La communication... Toujours...

Les mesures proposées et leurs conséquences...

On retrouve dans le projet de loi les grands axes de l'état d'urgence utilisé depuis 2015:
  • Perquisitions administratives: annoncées dans une première version (qui a tout de même soulevé des protestations) comme totalement indépendantes de l'autorisation d'un magistrat, les perquisitions administratives pourront toujours être diligentées directement par le préfet, mais sur autorisation préalable d'un juge des libertés et des détentions, qui autorisera aussi l'exploitation des documents saisis.
  • Assignations à résidence: préfets et ministre de l'Intérieur pourront assigner un individu dans un "périmètre géographique déterminé", et de perquisitionner de jour comme de nuit. L'assignation à résidence est annoncée par le ministre comme "permettant le maintien d'une vie familiale et professionnelle", et son périmètre "ne pourra pas être inférieur à une commune" (Conclusion: il vaut mieux vivre dans une grande ville que dans une riante bourgade de 150 âmes, le jogging autour du pâté de maisons, c'est vite lassant...). Notons toutefois pour notre plus grand soulagement que cette assignation à résidence pourra être remplacée par la pose d'un bracelet électronique... Cela réconforte tout de suite le militant écologiste qui s'est imaginé enfermé dans sa maison, ou son village et se voit beaucoup mieux avec le bracelet à la cheville, accessoire du dernier chic!
  •  Sécurisation des grands rassemblements: le préfet pourra mettre en place des périmètres de protection, où l'on n'entrera que moyennant palpation, inspection des bagages et véhicules...
  •  Sécurité des lieux de culte: possibilité pour les préfets de fermer des lieux de culte "dès lors que des propos qui y sont tenus incitent à la commission d'actes de terrorisme"... Définition un peu floue, et qui ouvre la porte à toutes les fenêtres... sur quoi va-t-on s'appuyer? La bonne vieille délation? Les supputations? Les rumeurs?


Attention danger...

On pourra être tenté de se dire, à première vue, après tout, seuls les méchants seront atteints, cela ne nous concerne pas...
Et c'est là que se tient le problème: quels seront les critères de définition des "méchants"?
On a l'expérience des abus avérés de l'état d'urgence, dénoncés notamment par l'association Human Right Watch: perquisitions abusives  et discriminatoires chez des citoyens musulmans, assignations à résidence sans preuves de personnes accusées d'implication dans la mouvance islamiste radicale, et qui ont perdu leur emploi, leur vie sociale (comment continuer à mener une vie normale enfermé dans sa commune et montré du doigt comme un criminel?)

Quelques témoignages:
  • "Si je suis un recruteur, comment se fait-il que je ne sois pas en prison", et non assigné à résidence, confie à l'association HRW une "victime collatérale" des mesures d'urgence... 
  • "Je pense que c'est la barbe. Quand les politiques visent l'islamisme radical, c'est la barbe. Même un policier m'a dit 'la barbe, c'est mal vu'"...
  • "Ma crédibilité, je l'ai perdue", témoigne un autre accusé sans preuves. "Mon style de vie, je l'ai perdu. Depuis ce jour, je n'ai plus que Dieu, ma famille et mon avocat."
  • "Une grande partie de la vie sociale de mon mari est partie en fumée"... Une autre encore... "J'ai l'impression d'être une marionnette qu'on agite pour montrer que le gouvernement fait quelque chose"...
Comme le confirme Serge Slama sur France Info, "dès le début de l'état d'urgence, il y a eu des assignations de militants qui venaient dans le cadre de la COP 21, particulièrement à Nantes et à Rennes. Dans ces villes, jusqu'à 60% des assignés sont des militants radicaux d'extrême-gauche et non des radicaux islamisés. Cela pose une vraie question, car cet état d'urgence n'a pas été utilisé uniquement contre le péril imminent, mais de manière plus globale sur des personnes qui peuvent causer des troubles à l'ordre public."

Détournement politique de l'anti-terrorisme... Privation des libertés sur décision du pouvoir, sans contrôle d'une autorité judiciaire indépendante...

Attention danger...

Sources:

http://www.francetvinfo.fr/faits-divers/terrorisme/attaques-du-13-novembre-a-paris/etat-d-urgence-en-france/cinq-questions-sur-le-projet-de-loi-antiterroriste-du-gouvernement_2247255.html

http://www.francetvinfo.fr/monde/terrorisme-djihadistes/tribune-human-rights-watch-normaliser-les-mesures-de-letat-durgence-compromettrait-les-droits-fondamentaux_2248667.html

http://www.francetvinfo.fr/monde/terrorisme-djihadistes/perquisitions-administratives-securisation-des-manifestations-ce-que-contient-le-nouveau-projet-de-loi-antiterroriste_2246877.html

https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression

https://www.hrw.org/fr/news/2016/02/03/france-abus-commis-dans-le-cadre-de-letat-durgence




2 commentaires:

  1. Oui cela fait peur et autour de moi personne n'en parle, et quand j'ai essayé, la réponse me laisse perplexe "que veux tu qu'on y fasse, si tu as rien à te reprocher y a rien à craindre," en faîte quand j'explique et bien j'ai l'impression qu'ils pensent que je me fais des films. Ou alors ils sont pro Macron et ils n'osent pas le dire...Ou alors jexplique mal🤔

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  2. le système de domination mis en place par le capitalisme utilise principalement l'idéologie, le consentement à l'esclavage, aurait dit La Boëtie. Mais quand la réalité crue devient apparente, c'est la coercition, voire la violence qui se substitue à la séduction. Les assignations à résidence ont jusqu'à présent très majoritairement visé des militants de gauche. La transposition de l'état d'urgence dans le droit commun est le pendant policier de la guerre sociale qui se prépare.

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