dimanche 11 juin 2017

Quand l’Education essuie (encore) les plâtres du changement…





Le nouveau ministre de l’Éducation Nationale, Jean-Michel Blanquer, l’avait pourtant annoncé à son arrivée, promis-juré, il ne ferait pas comme tous ses prédécesseurs, il n’allait pas tout remettre à plat pour faire une énième réforme de l’Ecole…
On avait presque envie d’y croire, ça nous aurait bien changés...



L’École, c’est un peu Pénélope (l’épouse d’Ulysse, hein, pas de François… l’Education Nationale ne bénéficie pas souvent d’emplois fictifs) … Elle tisse, détisse, retisse, et défait chaque nuit ce qu’elle a fait chaque jour… Certes, « faire et défaire, c’est toujours faire », mais dans le cadre de la politique éducative, on ne peut pas vraiment dire que cela fasse avancer la cause… Les résultats des élèves français dans les enquêtes internationales ne sont obstinément pas bons, en particulier dans la lutte contre les inégalités, que le système éducatif a plutôt tendance à aggraver qu’à réduire…
Combien de fois n’a-t-on pas entendu : « L’Ecole ne joue plus son rôle d’ascenseur social ! », ou dans la bouche de parents et d’élèves : « L’Ecole, ça ne sert à rien, ça n’empêche pas d’être au chômage… ».

En 2016, la France se situe obstinément dans le groupe des pays aux résultats « médiocres » lors du classement PISA (Program for International Student Assessment)…

L’analyse qu’en fait Le Monde (07.12.2016) est à ce titre intéressante (et ne laisse pas beaucoup d’espoir quant aux nouvelles approches Macronistes !) :

"Le système éducatif français se caractérise par sa capacité à former une - petite - élite : 8% d'une classe d'âge se distingue, à 15 ans, par ses résultats très performants en sciences. Son autre caractéristique, malheureusement, est son inégalité. En dépit des réformes successives et des alternances politiques, le France ne réussit pas à réduire son noyau dur d'élèves en échec scolaire. La part d'élèves faibles a même augmenté, d'un point au cours de ces dix dernières années. L'école française reste l'une des plus inégalitaires du monde."


La faute à un certain manque de cohérence et de « persévérance dans les efforts » de gouvernance ? Fort possible…

C’est vrai, chaque ministre qui passe veut laisser sa trace, et c’est toujours sur l’École que ça tombe… Mais qu’a-t-elle fait pour être ainsi retournée comme un gant depuis des lustres à chaque changement de majorité ?



Pour mémoire, les principales réformes de l’École depuis la loi Haby de 1975…

  • 1975 : réforme Haby : création du « collège unique » qui scolarise les enfants jusqu’à 16 ans, le jeu des options jouant un rôle de filtre en 4e et empêchant la création d’un parcours vraiment unique
  •  
  • 1982 : « rénovation du collège unique » par Alain Savary : travail en équipes pédagogiques et pluridisciplinaires, élaboration de projets éducatifs, mais sur la base du volontariat : impact limité
  • 1989 : loi d’orientation sur l’école, dite « loi Jospin » : organisation de la scolarité en cycles, création du Conseil National des Programmes, création des IUFM (Instituts Universitaires de Formation des Maîtres), objectifs à 10 ans : toute une classe d’âge titulaire au moins du CAP ou du BEP, et 80% titulaire du baccalauréat… Objectif manqué…
  •  1993 : François Bayrou et sa « réforme du collège » : organisation en 3 cycles, parcours diversifiés pour les élèves en difficultés, études dirigées, latin dès la 5e, et … difficultés de mise en œuvre
  • 1997-2000 : les années Allègre (…)
  • 1998 : « réforme du collège » de Ségolène Royal : renforcer l’articulation primaire-secondaire, les études dirigées en 6e et 5e, la pluridisciplinarité (création des « travaux croisés » en 4e), amélioration de la vie dans la « maison collège », création des heures de vie de classe, épreuve d’éducation civique au Brevet
  • 2001 : « réforme du collège » de Jack Lang : changer les approches pédagogiques, période d’intégration en 6e, création des IDD (itinéraires de découverte en 5e et 4e), 4h de cours optionnels en 3e
  • 2002 : Luc Ferry : lutte contre l’illettrisme, dédoublement de classes en CP, nouveaux programmes en primaire
  •  2005 : loi Fillon : scolarité obligatoire de 6 à 16 ans, création du socle commun de connaissances et de culture, compétences indispensables à acquérir pour chaque élève, objectifs : 100% d’élèves diplômés, 80% d’une classe d’âge au niveau baccalauréat, 50% d’une classe d’âge accédant à un diplôme du supérieur (on a déjà vu ça … et ça ne marche toujours pas)
  •  2008 : Xavier Darcos : nouveaux programmes et nouvelle organisation en primaire (suppression des cours le samedi matin)
  •  2009 : Luc Châtel et la réforme du lycée : stages passerelles, tutorat, accompagnement personnalisé
  •  2012 : Vincent Peillon, loi de Refondation de l’Ecole de la République : retour à la semaine de 4 jours et demi, loi de refondation de l’Ecole mise en œuvre par Najat Vallaud-Belkacem en 2013 : réforme de l’éducation prioritaire, réforme du collège : introduction de dispositifs d’accompagnement personnalisé, d’enseignements pratiques interdisciplinaires (enseignements associant plusieurs disciplines : les EPI), plus d’autonomie pour les équipes pédagogiques, nouveaux programmes en maternelle, primaire et au collège, organisation en 4 cycles de la maternelle à la 3e, réforme de l’évaluation (devant être plus simple et positive) (entrés en vigueur en septembre 2016), rétablissement de la formation initiale des enseignants (ESPE).

     Comme on le constate, l’Ecole, et le collège en particulier ont fait l’objet d’un véritable acharnement thérapeutique…

Une vision d’ensemble schématique, certes, mais révélatrice d’allers et retours d’idées reprises puis abandonnées à un rythme assez effarant…
                     
Et maintenant, voilà le « Blanquer nouveau », avec un petit goût de déjà vu, et une certaine amertume en fin de bouche !…


L’Ecole selon Blanquer : entre détricotage et mesures d’affichage

  •      Annulation de la réforme des rythmes scolaires (retour à la semaine de 4 jours) pour les communes qui le souhaitent (contre les avis de scientifiques qui considèrent les 5 matinées travaillées comme positives pour les élèves)
  •           Remise en question de la réforme du collège qui vient d’être mise en place en septembre 2016 et n’a pas été évaluée, n’ayant pas même duré 1 an : les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) sont remis en cause puisque chaque établissement pourra décider d’affecter le volume horaire qui leur était dédié à autre chose (classes bilangues, langues anciennes…)
  •         Remise en cause du dispositif « plus de maitres que de classes » en REP+ pour instaurer (à moyens constants) les classes de 12 élèves en CP
  •       Instaurer un dispositif « Devoirs faits » de 16h à 18h, encadré par des professeurs volontaires (non-rémunérés), des professeurs retraités, et des jeunes en service civique
  •      Retour du redoublement (très contesté par le CNESCO, Conseil national d’évaluation du système scolaire, peu efficace dans la plupart des cas, où il serait préférable de mettre en place de véritables dispositifs d’accompagnement de la difficulté scolaire)
  Bref, le nouveau gouvernement dit « non » à la continuité, n’attend pas que les dispositifs soient évaluées pour les remettre en question, et les choix parlent d’eux-mêmes : les rythmes scolaires n’étaient pas populaires ? Annulés. La réforme du collège a fait grogner le monde enseignant ? Assouplie et vidée de son sens (interdisciplinarité, différenciation pédagogique, passées dans la case « facultatif »). Le redoublement est populaire ? Le voilà rétabli (peu importe qu’il soit efficace ou non).
Cette prise de contact avec le monde de l’éducation ressemble bien à la campagne (d’ailleurs, on est encore en campagne, pour les législatives, quand M. Blanquer annonce ces mesures, ceci expliquant sans doute cela) : tout est affaire de communication. On dit aux électeurs ce qu’on pense qu’ils veulent entendre, sans se soucier de cohérence ou de l’intérêt des élèves…

Le monde enseignant, traditionnellement « à gauche », et même plus précisément socialiste, a boudé le PS lors des dernières présidentielles, échaudé par le quinquennat Hollande…
Et pourtant, si on s’était sérieusement penché sur la question, les propositions du candidat socialiste  étaient porteuses de sens, de réalisme et d’espoir, bref, tout ce qu’on attend… Il ne faut pas s’arrêter aux étiquettes…

Les projets de Benoît Hamon lors de sa campagne : continuité et amélioration… sous le signe de l’EGALITE DES CHANCES !

  •     Rendre obligatoire la scolarisation de tous les enfants de 3 ans, et développer la scolarité des enfants de 2 ans (en particulier en zone d’éducation prioritaires et outre-mers) pour lutter contre les inégalités scolaires
  •       Pour donner à tous les élèves la même chance de réussir : développer un service public du soutien scolaire assuré par des professionnels de l’éducation (approche très différente de celle de M. Blanquer qui veut faire faire de la « garderie » par des bénévoles), développer la coéducation avec les parents
  •     Etablir un seuil maximal de 25 élèves par classe en CP, CE1, CE2, et de 20 élèves dans les classes des zones d’éducation prioritaire, rurales et outre-mer
  •           Diminuer les effectifs des classes en fonction du nombre d’élèves en situation de handicap
  •       Développer la mixité scolaire, rebâtir la carte scolaire en associant public et privé (éviter les « ghettos », et les établissements « réservés aux catégories favorisées »)
  •           Maintenir les rythmes scolaires (qu’il avait assouplis pour les rendre praticables)
  •       Mener la réforme du lycée avec les enseignants, les parents et les élèves, et allouer plus de moyens aux lycées qui en ont le plus besoin grâce un nouvel indicateur social
  •           Défendre les lycées professionnels pour qu’ils deviennent des voies d’excellence
  •           Développer l’apprentissage
  •           Recruter 40 000 enseignants en 5 ans
  •       Rénover et améliorer la formation continue des enseignants
  •       Garantir le droit à l’innovation pédagogique
  •           Favoriser le recours au numérique pour faire réussir tous les élèves dans leurs apprentissages
  •          Offrir des contrats d’Accompagnants d’Elèves en Situation de Handicap pour rendre leur emploi pérenne


Les lignes directrices de ce projet très cohérent et sans rupture : l’égalité des chances, l’innovation pédagogique et la lutte contre les déterminismes sociaux…

Alors, des regrets ?

Rendez-vous pour une nouvelle chance pour notre école en 2022, avec la réalisation du « Futur Désirable » !

Benoît Hamon a de l'ambition pour la jeunesse, et elle le lui rend bien!!!






Sources :











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