jeudi 8 juin 2017

Question d'enfant


C'est un soir, ayant gravi assez péniblement l'échelle de la petite mezzanine sur laquelle se trouvait le lit de mon fils âgé alors de 4 ans,  je m'allongeais tendrement à ses côtés lui faire le dernier câlin du soir, qu'il me demanda l'air très préoccupé : "maman, c'est quoi Dieu?"

... fut ma réaction immédiate.

Dans ma tête de parent fatigué de sa journée et occupée par les diverses tâches qui restaient encore à faire avant mon propre repos, je fût prise au dépourvu...
Très vite une question lâche et indignée vint se fracasser au devant de mon lobe frontal quelque peu affaibli et désemparé :
"Mais bon dieu, qu'est ce qu'ils foutent à l'école, bordel ?!"

Ce juron me paru très pertinent dans cette thématique.

Sentant les yeux candides, confiants et tenaces de mon fils trouer avec insistance mon propre champ visuel, je savais que je ne devais pas me dérober.

"C'est quoi, Dieu ?"

On se prépare toujours mal aux questions fondamentales. Elles viennent toujours trop tôt, ou pas au bon moment...
En tout cas, là, tout de suite, je n'étais pas prête.

"C'est un peu compliqué à expliquer, tu sais..." 
(sous-entendu, "tu es un peu petit pour comprendre").

Eh oui.
J'avais cédé à l'appel envoûtant et cynique de cette tentation que nous avons eu tous au moins une fois: face à l'enfant qui questionne, énoncer une réplique vide de contenu d'adulte qui essaie désespérément de sauver la face, ou du moins se débarrasser sans trop de frais de son embarras.

C'était sans compter sur l'entêtement juvénile et la personnalité déjà bien affirmé de mon petit bonhomme. Il continuait d'attendre, patiemment, le regard braqué sur moi, sans le moindre doute entachant le fond de son iris sur le fait que j'allais lui apporter tous les éléments qui lui manquait, lui permettant de lever une partie du mystère qui nappait le monde.

Je n'ai guère lutté que ces quelques secondes.

Car finalement je devais remplir mon rôle, le rôle de ma vie s'il en est.
J'étais arrivée à un de ces moments clés où les personnages de roman doivent sortir une tirade qui versera dans l'intrigue principale pour orienter l'histoire et son futur dénouement.
J'ai quand même soupiré un peu pour la forme, me disant que je n'étais pas encore couchée, et lui posais des questions; avait-il entendu quelque chose à ce sujet ? A l'école, avec ses copains, ses grands parents, à la télé, etc...
Puis nous avons discuté ensemble.

Je vous passe ici la description ou du moins la définition improvisée que je lui ai faite. Il a semblé comprendre ou en tout cas arriver à s'en faire une projection à lui du haut de ses 4 ans.
Puis nous avons tranquillement suivi le fil des questions qui n'ont pas manqué de se présenter. En fidèle athée que je suis, je lui ai expliqué qu'il existait plusieurs dieux, que chacun pouvait croire ou pas, que des tas de gens avaient une religion et qu'il n'y avait pas de religion meilleure qu'une autre, etc, etc.

L'heure de dormir allant être dépassée, je l'ai embrassé tendrement et l'ai laissé rejoindre le monde empirique des rêves empli de dieux de toutes formes et couleurs.



On dit souvent qu'élever des enfants, c'est un grand bonheur, mais que l'obligation de les éduquer, les aider à grandir, les soutenir dans leur évolution en tant qu'être pensant, leur donner des règles, les préparer à devenir des citoyens responsables, respectueux, mais surtout heureux, non seulement ce n'est pas simple, mais demande beaucoup d'efforts... c'est un travail incessant, de chaque instant.

Mais en fin de compte, l'effort le plus grand et le plus important consiste à laisser nos enfants nous éduquer nous, leurs parents, afin de toujours nous améliorer, dépoussiérer et réviser régulièrement nos valeurs de vie, d'humanisme, redorer nos espoirs d'un monde meilleur dans lequel ils prennent déjà part.

Si je regarde l'avenir, j'ai une envie furieuse qu'il soit différent d'aujourd'hui.
En tout cas un peu plus beau et surtout plus désirable !


Claire Blanchard


6 commentaires:

  1. Une réponse aboutie, pour moi, consiste à répondre que "nous plaçons Dieu à l'endroit où nous avons des questions pour lesquelles nous ne trouvons pas de réponse".

    Sans doute un peu difficile pour un bout de 4 ans :)

    Donc une adaptation simpliste consiste à dire que Dieu est en toute chose qui nous dépasse !?

    Là encore le flot des questions ne tarira pas si vite pour un enfant.

    Donc, fatigué de ne pas trop savoir ce qu'il faut répondre à quelqu'un qui sait tout puisqu'il n'a qu'un savoir encore bien limité, en raison de son âge, on pourrait lui dire que Dieu finalement est ce personnage qui a permi que tout existe, tout ce que nous voyons, et aussi ce que nous ne voyons pas, par exemple.

    A chaque âge une réponse ? Faut-il ne pas se tromper pour laisser chaque personne penser avec son libre arbitre. Et ce n'est pas simple. Pas simple le chemin à parcourir pour avoir envie de rejoindre des horizons désirables.

    Bel article Claire.

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  2. Merci François!

    Il est difficile finalement de savoir quelle est la bonne réponse, et faut il d'ailleurs qu'il y en ait une... On ne peut qu'énoncer un avis sur les questions existentielles de nos enfants. Mais l'important est bien de laisser leur pensée se construire au fil du temps, et voir s'épanouir leur personnalité dans le libre arbitre dont nous pouvons tous profiter.

    C'est un risque et un émerveillement de chaque jour de voir grandir ses enfants. Les voir s'affirmer, changer, rire, s'inquiéter, ...

    Ils sont notre avenir et le leur en même temps. Ils sont ceux qui modeliseront le monde de demain, ceux qui feront les découvertes futures.

    Ils sont les reflets de ce que nous avons été et cela est une responsabilité supplémentaire qui nous est dévolue.

    J'ai décidé d'y prendre part et je ne le regrette pas.

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  3. La dernière question de ce type à laquelle j'ai été confrontée, était :

    "Maman, l'amour qu'est-ce que c'est ?"

    Question intéressante, Malou l'amour qu'est-ce que c'est ? Pour toi, pour elle, pour lui, ici et là bas...

    J'ai dû y réfléchir afin d'essayer d'y englober d'autre visions de l'amour que la mienne, repenser à ces fois ou l'amour ce n'est pas prendre, mais parfois renoncer, s'opposer, ouvrir sa porte à son enfant qui s'envole, même si ça fait mal, si on pleure en dedans...Les réponses à ces questions de nos enfants sont importantes, elle laissent souvent "trace" et sont le creuset des valeurs qui les amineront ou pas suivant que ces réponses ils se les approprient ou pas... Ayant, du fait des aléas de la vie, été peu dispo pour mes aînés, j'ai apprécié d'avoir le temps de me poser, me questionner, échanger avec cette petite dernière qui posait tant de questions et qui en posent encore... Grâce à elle j'ai enfin pu toucher du doigt cet émerveillement dont vous parlez, qui jusqu'à là m'avait échappé dans la course folle de la survie... Vous avez raison, nos enfants peuvent nous apprendre beaucoup de choses, au travers du regard qu'ils posent sur le monde...

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    Réponses
    1. Cette réponse que j'ai faite à ma fille, comme vous l'avez fait vous même Claire, avec votre petit garçon, je l'ai couchée sur le papier sous forme de poème, il me fait me souvenir de ce moment de partage entre elle et moi...

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  4. Vous etes des parents formidables........Moi déjà grand-mère d'un petit bonhomme dee "presque" 8 ans eloigné de moi et qui ne me pose aucune question parce qu'il est pris entre les idées de sa mère, celles de son père .... Peut etre un jour à l'adolescence ???? mais je n'y crois guère avec tout ce que l'on entend sur les écrans et autres occupations de notre jeunesse..... BONNE CONTINUATION AVEC VOS ENFANTS -

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  5. Les parents formidables des uns ne sont pas forcément les parents formidable des autres, cela dépends de qui regarde et de quel côté du paysage familial il se trouve ! Bon courage, Maminous 83

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