mardi 20 juin 2017

Rapt des infos salaires ! A qui profite le crime ?

Quand la simplification est synonyme d'opacité
 
Simplification de nos fiches de paie :

Qu’en est-il « en vrai » ?





La fiche de paie et ce qui y figure, c'est un résumé de notre vie !

Notre vie professionnelle, notre vie sociale, familiale, nos contributions au système social de notre pays, nos droits sociaux, maladie, retraite, complémentaire santé, et j'en passe...



Analyse des informations qui "changent"...



Rappel : Depuis janvier 2017, la simplification des bulletins de paie s'impose aux  entreprises d'au moins 300 salariés. Pour les entreprises plus petites, ce modèle sera applicable au 1er janvier 2018.

Savez-vous qu’en fait de simplification, c’est plutôt double travail pour les entreprises?

Que nous disent les comptables d'entreprise ? Ils nous expliquent que loin de leur simplifier la tâche, cette simplification les oblige à éditer 2 bulletins de paie, le « simplifié » pour les salariés, et celui qui permet de connaître le détail des différentes cotisations et sommes dues par l'employeur pour l’administration...

Simplification, avez-vous dit ?

L'argument de "vente" de ce nouveau bulletin de paie est, comme souvent, la comparaison avec d'autres pays...

Le Figaro par exemple nous dit que chez nos voisins plus ou moins lointains, le bulletin de paie comporte:

15 lignes en moyenne en Allemagne, 14 aux Etats-Unis, 11 en Chine (quels modèles!)
La protection sociale en Chine et aux États-Unis vous fait rêver, vous ? Et en Allemagne? Moins de chômeurs, certes,  mais les travailleurs pauvres sont plus nombreux que chez nous !


Si dans notre pays, les bulletins de paie sont compliqués, c'est d'abord et surtout parce que notre système de protection sociale est compliqué !

Chaque salarié contribue via les cotisations sociales, (et non "charges" sociales comme aime à l'appeler le patronat!), à ce système social compliqué, mais protecteur et solidaire que de nombreux pays nous envient...


Harmoniser notre système, réduire le nombre des régimes spéciaux au niveau des retraites est sans doute souhaitable. De toute façon, il est loin le temps où le régime général pouvait "boucher les trous", de tous ces régimes spéciaux déficitaires...




En effet, au titre de la solidarité, (à sens unique, la solidarité), les régimes excédentaires, principalement le régime général (mais pas que...), compensaient les déficits des régimes spéciaux, quitte à devenir déficitaires eux-mêmes du fait de ces ponctions !

Pour ceux que cela intéresse ou qui s'interrogent, ce lien vous permettra de découvrir le système de compensation de 1974 et le système de surcompensation de 1985:
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/retraites-quels-regimes-profitent-137507

Pour aggraver cette complexification du système où le salarié n’y voit plus grand chose, le prélèvement à la source va rendre le bulletin de paie encore plus incompréhensible.

Ce prélèvement à la source, outre le problème de confidentialité qu'il pose vis-à-vis de l'employeur,  n'est-il pas un moyen de nous rendre toujours plus opaque ce que d'une part, on nous fait payer et ce que d'autre part, on fait payer, ou pas, au patron ?


Notre nouveau Président a décidé du report de ce prélèvement à la source au 1er janvier 2019…

Officiellement, "ce report doit permettre d'examiner la robustesse technique et opérationnelle du dispositif"…

Officieusement, il se murmure que notre Président souhaite que soit bien lisible pour tous les salariés le gain de pouvoir d'achat qu'il va généreusement nous octroyer…

En tout cas gardez l’œil ouvert et utilisez votre esprit critique, si on en croit certains bruits qui courent, vous risquez d'en avoir besoin !


Mis à jour le 20.06.17
Pour aller plus loin …

Une "petite" analyse ligne par ligne...


Entrons dans le détail de la fiche de paie…


Analysons, si possible, les changements et leur conséquences... Ce qui a disparu dans le moule de la simplification.

Dès ce stade, on est confronté aux premières difficultés...


Pour trouver ce qui a disparu il faut procéder par élimination, c'est à dire prendre la liste de ce qu'il y avait avant et ce qu'il y a maintenant.


Vous pouvez prendre par exemple une ancienne fiche de paie et une récente...

Le nouveau bulletin de paie doit mentionner les éléments suivants :

    1.nom et adresse de l'employeur (éventuellement la désignation de l'établissement dont dépend le salarié),
    2.numéro de la nomenclature d'activité de l'établissement d'emploi (code APE ou code NAF) et numéro d'inscription de l'employeur au répertoire national des entreprises et des établissements (numéro Siret),

Pour les éléments de 1 à 2, pas de changement…

    3.intitulé de la convention collective de branche applicable au salarié ou, à défaut, référence au code du travail concernant la durée des congés payés et des délais de préavis en cas de cessation de la relation de travail,

Pour l'élément 3 pas de changement ! Sauf que la loi travail (« loi El Khomri ») et sa possibilité d'inversion des normes peut invalider cet intitulé, puisque un accord d'entreprise peut être moins favorable que la convention collective de branche ! Les ordonnances de Macron amplifieront cette possibilité!

    4.nom et emploi du salarié, sa position dans la classification conventionnelle (le niveau ou le coefficient hiérarchique),

Alors là, il manque un "truc" important, très important, le numéro d'identification national! Rien que ça ! Ce numéro qui ne permettait pas à un employeur de vous établir de fiche de paye conforme, sans avoir obtenu ou avoir connaissance,  de votre numéro de sécurité sociale!



Ce numéro vous identifie au niveau de tous les organismes sociaux! Votre numéro prime sur votre nom qui peut comporter une erreur ou être un nom d'usage... Les femmes mariés et divorcées comprendront...

Oubli perturbant, et qui pose question…




Il semble que pour autant l'employeur n'a pas interdiction de le mentionner, puisqu'il figure toujours sur ma fiche de paie, mais il n'en a plus l'obligation!

    5. période et nombre d'heures de travail en distinguant les heures au taux normal et les heures supplémentaires (en mentionnant les taux appliqués aux heures correspondantes),

Là aussi la loi travail et les ordonnances Macron auront des conséquences ! Mais les taux dérogatoires figureront sur le bulletin de paie.

    6. nature et volume du forfait auquel se rapporte le salaire des salariés au forfait (forfait hebdomadaire ou mensuel en heures, ou forfait annuel en heures ou en jours),

7.  nature de la base de calcul du salaire lorsque, par exception, cette base de calcul n'est pas la durée du travail,

    8.nature et montant des accessoires de salaire soumis aux cotisations salariales et patronales,
    9.rémunération brute du salarié,

Là savourez votre chance, il semblerait que la disparition du salaire brut soit programmée !

Néanmoins, je constate une modification, j'ai le salaire de base + la prime ancienneté, le total brut a disparu de la colonne !

Maintenant il figure uniquement dans les cases récapitulatives "Impôts, cumul et mensuel" !

Mais ne chipotons pas, le calcul est de toute façon facile à faire et à vérifier !

    10.montant, assiette et taux des cotisations et contributions sociales à la charge de l'employeur et du salarié avant déduction des exonérations et exemptions,
    11.nature et montant des autres versements et retenues (notamment prise en charge des frais de transport domicile-travail),

En ce qui concerne ces éléments, le changement majeur devient "l'opacité", car des taux sont "regroupés" rendant impossible le décryptage des modifications taux par taux. Cette opacité rend invisible "les cadeaux" faits aux entreprises, via des baisses de cotisations par exemple !

Concernant l'employeur, seuls restent "lisibles";

                        - La cotisation "accident du travail"

                         -Les cotisations allocations familiales, appelée désormais "Famille : sécurité sociale"

                        - Le "risque"  chômage

On retrouve les autres cotisations et contributions, regroupées désormais  par risques: santé au lieu de maladie,  retraite ou lieu de vieillesse... Ce glissement sémantique plus "euphorique" est lui-même digne d'intérêt !

A noter que, dans ces regroupements, par exemple, la mutuelle médicale se retrouve avec les cotisations URSSAF mélangeant les cotisations "solidaire"  et  les cotisations "individuelles", qui ne relèvent pas du même "registre" !

 Pour toutes ses cotisations,  l'identification des organismes n'est plus possible via la fiche de paie!

C'est regrettable puisque c'était le seul document où le salarié pouvait le retrouver...


Imaginez une veuve qui ne sait pas à quel organisme son mari décédé à cotisé avant son mariage et même après!

Si on ne sait plus à quel caisse l'employeur a cotisé, au moment du récapitulatif de carrière, impossible de vérifier, des années après, les manques et oublis volontaires ou involontaires des employeurs!


Important : La déduction figurant sur votre fiche de paie, reversée ou pas à un organisme identifié, valait, pour le salarié, cotisation et prise en compte des périodes cotisées! Le salarié qui a payé n'étant pas responsable du non-reversement par l'employeur des cotisations qu'il a perçues !




Cette "absence d'identification", risque de sérieusement compliquer la prise en compte de ces cotisations en cas d'employeur indélicat !

Une autre ligne concernant ces cotisations employeurs appelée « Autres contributions dues par l'employeur» regroupe : la taxe transport, la contribution au Fonds national d'aide au logement (Fnal), la contribution solidarité autonomie, la taxe d'apprentissage, la contribution patronale au financement des organisations syndicales. Là aussi, opacité complète puisque tous les pourcentages sont additionnés !

Une dernière ligne ; le forfait social correspond à la taxe des entreprises sur la participation et l'intéressement ! Seul un connaisseur pourrait vous en dire plus…

    12.montant effectivement reçu par le salarié,

Là réside pour moi un autre changement extrêmement négatif pour les salariés! La disparition du salaire net!  Examinons attentivement notre fiche de paye. Nous sommes à ce stade,  en bas de  la fiche de paie, remarquez que le texte officiel nous parle de "montant "RECU" par le salarié, pas de salaire "NET", ce montant correspond à ce qui arrivera à la banque, dans votre poche.



 

Le salaire net figurait auparavant en bas de la fiche de paie, mais désormais le texte officiel nous indique une seule mention obligatoire ;


                      - "Montant effectivement  "REÇU" par le salarié"

Éberluée, j'ai cherché sur ma fiche, la mention de mon salaire net, vainement !  J'ai trouvé le salaire brut de base, le brut imposable, le salaire net fiscal, mais impossible de trouver le salaire "NET"!!!!

Sur mes anciens bulletins, la différence entre mon "salaire net" et mon "net à verser" était de presque 80 euros, et ce sur un temps partiel !

Comment désormais calculer mon salaire net ??? 

J'ai essayé  de calculer ce salaire net avec les données présentes  sur ma fiche de paie, sans y parvenir!

J'ai cherché sur le net, j'ai trouvé, mais j'ai abandonné!

 La mutuelle devenue imposable et les taux de CSG imposable ou pas, plus la CRDS, complexifie trop le calcul !


Suite du bulletin de paie... 


13. date de paiement,

14.dates de congé et montant de l'indemnité de congés payés, lorsqu'une période de congé annuel est comprise dans la période de paie considérée,

Là pour  l'instant rien à signaler, hormis bien entendu, si les ordonnances de Macron,  peuvent réduire vos CP à peau de chagrin pour honorer des commandes ! Les textes internes aux entreprises  pourraient vous les imposer en mai ou octobre, quand vos petiots sont à l'école ou quand votre chérie est déjà revenue ! Mais j'extrapole...

15. montant total des exonérations et exemptions de cotisations et contributions sociales,
16.montant total versé par l'employeur (somme de la rémunération et des cotisations et contributions à la charge de l'employeur, déduction faite des exonérations et exemptions),

Celui-là, c'est l'élément "culpabilisateur", qui vous démontre que votre travail revient trop cher à votre employeur, c'est drôle, nulle part il n'est fait mention de l'argent que vous lui rapportez!

 17. mention de la rubrique dédiée au bulletin de paie sur le portail www.service-public.fr,

Encore une mention alibi, votre gouvernement vous informe...

     18.mention incitant le salarié à conserver le bulletin de paie sans limitation de durée.

Celle-là me fait rire, puisque ce qui nous attend, c'est la fiche « dématérialisée », transmise et conservée, dans un espace "soi-disant sécurisé" ! On sait tous ce qu'il en est, pas vrai ?

La dématérialisation c'est « tout bénéf » pour le patron, il économise le papier et les frais postaux... Bien entendu, vos fiches de paie, vous en aurez besoin en "matérialisé", charge à vous de les imprimer...


Alors, simplification?


 


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