mardi 11 juillet 2017

Une vie sans recours


Annie arrange une dernière fois la nappe et les fleurs du jardin dans le joli vase en faïence bleu qu'on lui avait offert pour son mariage l'année dernière. Elle a quitté son sud natal pour suivre celui qui lui a promis bonheur, fidélité et respect, ici dans le Loiret, à 620 kilomètres de ses parents et famille.

Il est 17h...
Dans 30 minute, Denis doit rentrer du travail. Il a dit qu'il ne s'attarderait pas cette fois après le bureau avec ses copains au café d'en face...

Elle regarde avec angoisse si tout est en ordre, la vaisselle propre et rangée, le linge lavé, le sol est propre aussi. Denis ne supporte pas que le carrelage ait des traces surtout vers l'évier de la cuisine.


Elle sait aussi que cette nuit a été plus calme, car elle avait préparé tous les plats préférés de son mari pour le repas du soir, la veille.
Elle était vraiment gentille... Il lui avait dit ça. Hier il n'avait pas élevé la voix contre elle ; ni la main...

Elle avait bien senti qu'il était malheureux de ce qui s'était passé Samedi dernier. Il avait été trop loin... beaucoup trop loin. Elle était tombée et s'était cognée contre la table du salon, et elle avait saigné. Juste là sur le front du côté droit. Mais avec sa mèche, cela ne se voyait pas trop.
C'était pas comme la dernière fois, où elle avait gardé une trace sur la joue pendant plusieurs jours...

Son amie Mathilde lui avait dit de porter plainte. Elle s'était laissée convaincre car Mathilde, elle savait de quoi elle parlait. Elle avait été mariée aussi il y a quelques années à Marc, commercial chez Ford, à la ville d'à-côté. Il rentrait chaque soir avec un coup dans le nez et un rien l'énervait, Marc. Du coup c'était Mathilde qui prenait. Elle disait qu'elle préférait que ce soit elle plutôt que Lucas, son fils de 7 ans...


Elles s'étaient rendues au commissariat du quartier; Mathilde connaissait une des assistantes sociales qui y travaillait et qui était très gentille. Elle savait écouter.

Seulement voilà, lorsqu'elles se sont présentées à la gendarmerie, il y avait juste un gendarme à l'accueil, et un autre dans un bureau au fond. Ils ont dit que l'assistante sociale ne travaillait plus là. Les 2 assistantes sociales d'ailleurs sont parties, car leurs postes ont été supprimés suite à des restrictions budgétaires.
Mathilde a demandé où elles pouvaient aller, et le gendarme a dit qu'il pouvait prendre les dépositions si on voulait mais, Annie s'est rétractée... Elle ne voulait plus.


Elle ne voyait pas de sympathie dans le regard de ce gendarme... et puis elle aurait quand même préféré parler à une femme... Quelqu'un qui pouvait comprendre ce qu'elle vivait.

Alors elles sont reparties et Annie est rentrée chez elle... Denis était déjà là... Il a demandé où elle était et avec qui... Il a crié très fort... encore...


Il est 18h maintenant, et Denis n'est pas là... L'angoisse se met à se solidifier dans le ventre d'Annie, comme un caillou qui grossit et se met à peser... Il a finalement dû aller boire un coup au café.

Elle retourne à la cuisine et commence à préparer le repas.
Ses mains tremblent un peu.
Si, à 18h30, il n'est pas là, alors cela voudra dire qu'il sera encore ivre, il sera encore à prendre avec des pincettes... Il ne faudra pas le contrarier. Car sinon, il va encore s'énerver, et.... Les yeux d'Annie se voilent de buée.

Dans une cuisine, une jeune femme, seule, isolée, attend son mari, dans la crainte de chaque heure qui passe...

Combien sont-elles ?


Claire Blanchard - 10 juillet 2017


Loiret : l'Etat met fin au dispositif d'aide aux femmes battues, faute d'argent.

En 2016, les deux travailleurs sociaux du Loiret ont rencontré 425 femmes victimes de violences. (Illustration) LP/Frédéric Dugi

http://www.leparisien.fr/societe/loiret-l-etat-met-fin-au-dispositif-d-aide-aux-femmes-battues-faute-d-argent-06-07-2017-7115553.php










Images:
Blekotakra, photo avec acides, peinture à l'eau.
Janus Miralles: artiste philippin, photo et peinture.
Sandrine Chalot
Jaeyol Han Passersby

1 commentaire:

  1. J'a connu 2 femmes dans ce cas dont une dcd. On supprimes des postes sans voir les conséquences derrière. ..

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Tout commentaire agressif et raciste sera enlevé, mais des dialogues constructifs sont les bienvenus

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