mardi 13 juin 2017

Marche ou crève, par Jupiter !

Jupiter/Zeus "dont l'esprit dès l'enfance était déjà mûr" a dû se  battre pour conquérir le pouvoir contre son père, Saturne/Cronos  (Hollande ?), qui dévorait ses "enfants" (Ayrault, Valls, Hamon, promus  puis déchiquetés ?).

Ce matin, je me suis levée à cinq heures, comme tous les matins, aussi fatiguée que je m'étais couchée, cinq heures de sommeil, ce n'est pas assez pour récupérer ... Une nuit de huit heures, quel luxe ce serait ... Je nous revois, Patrick et moi, blottis au creux du lit le dimanche matin ...

Hé,  secoue-toi là, le taf ne va pas se faire tout seul, il est plus là Patrick, il s'est jeté par la fenêtre de sa boite le jour de "l'engueulade de trop"! Et la reconnaissance du burn-out tant rêvée n'est jamais arrivée ... alors ...


Je m'engueule toute seule, pour me donner du courage; Cesse de rêvasser ! Tu es toute seule pour assurer maintenant, hop debout, ton fils attend !

Vite, vite, la douche, petit coup de peigne, pas maquillée, plus le temps depuis longtemps ... Pour quoi faire, pour qui de toute façon ... Trop à faire avant d'aller bosser ...

Vite vite, lever Arnaud, le seul à ne pas avoir quitté le nid ... Oui mais vite, mon pauvre chéri, il  ne sait pas faire ... Je respire un grand coup, "calmos" ! Il faut que je ralentisse, sinon il va "criser" et cela n'avancera pas le schmilblick ... Surtout ne pas perturber son petit monde, si loin du nôtre ...

La vaisselle d'hier attend dans l'évier, pas eu la force ... Je devrais peut être envisager d'acheter des assiettes jetables, oui mais l'argent je le prends où ?  Il ne va pas aimer Arnaud, lui qui a besoin de sa routine immuable ... Chaque chose à sa place et une place pour chaque chose ... Tant pis, pas le temps, la vaisselle attendra, la priorité c'est de garder mon boulot !

Regard au tableau hebdomadaire sur le frigo, celui d'Arnaud, celui de maman ...

Ce matin, comme souvent il n'y a rien, je dois me débrouiller, mais cet après-midi, il a piscine avec l'hôpital de jour, c'est l'activité la moins chère, la seule que je peux encore lui payer, depuis que sa prise en charge par la sécu a été supprimée ... Par chance, il adore l'eau, alors ce sera une bonne journée, la seule de la semaine ...

Donc à midi, ne pas oublier d'aller le chercher, je revois le taxi qui venait le prendre pour l'emmener, ce chauffeur qu'Arnaud aimait bien ... Mais ça c'était avant ! Ne pas oublier d'aller chercher Maxime ... Heureusement qu'on a pu s'arranger, la maman de Maxime et moi, sinon pas de piscine pour mon pauvre chéri ! Elle ramènera Arnaud chez maman ...

Penser au sandwich, si je veux manger quelque chose tout en courant après les bus ! J'espère que je ne serai pas en retard, comme la dernière fois, à mon âge, il ne rêve que de ça le patron, "me ficher dehors" à la première occasion ...

C'est tellement facile maintenant de licencier les gens comme moi, et si je perds mon boulot, je fais comment pour payer pour Arnaud et maman, ils deviennent quoi ... Foutus de chez foutu qu'on serait tous les trois, avec 500 euros par mois, on plonge direct !

Je repense en un éclair, aux jours enfants malades qui me permettaient de m'absenter pour Arnaud ... Mais ça c'était avant !

"Coucou mon chéri c'est l'heure, il faut te lever ..."

Il ouvre ses beaux yeux mon petit chéri, ses beaux yeux au regard vide ...

"Tu te lèves mon coeur, regarde je t'ai tout installé sur la chaise comme tu aimes ... je t'ai mis ta brosse à dents bien à gauche avec juste la bonne dose de dentifrice... je t'attends à la cuisine ..."

A peine réveillé, il fait déjà "son bruit" avec sa bouche et ses doigts, "brrrrr, brrrrr, brrr," ce petit bruit qui le rassure et qui rythme notre vie de tous les jours ...

Allez direction cuisine, lui faire son pain de mie sans croûte, coupé en diagonale, bien au milieu ... Retour chambre, c'est la cata ! Ne rien dire, ne pas le faire "criser", ça ne sert à rien, et on se mettrait en retard ... Allez chercher le seau, la serpillière, éponger l'eau, pendant qu'il prend son petit déjeuner ... C'est ma faute, je sais bien qu'il aime faire un jet d'eau avec le robinet, quand il se lave les dents ...

Retour cuisine, malgré la vaisselle pas faite, il est tranquille, tout va bien, j'ai même le droit à un petit regard vite fait. Je t'aime mon fils.

Allez c'est l'heure du bus, heureusement à cette heure là il n'y a pas grand monde. Je revois mon Patrick avec son beau tacot, pour Arnaud c'était le paradis cette voiture avec son papa, mais ça c'était avant !

Arnaud marche d'un bon pas, tout va bien, jusqu'à ce que, dans le bus, ce gosse le touche ... Crise dans le bus, il tourne comme une girouette en agitant ses mains et en poussant ses petits cris aigus :

"Calme mon chéri, calme, tout va bien, regarde c'est juste un petit garçon !"

J'ai expliqué au petit garçon qu'il ne fallait pas le toucher, ni avoir peur, qu'Arnaud était juste "différent" pas "dangereux" ... Regard outré de la mère ! Ces gens là devraient être en "maison" dit son regard ...

Ben oui ma petite dame, il y était avant, il y restait la semaine, il aimait bien, mais ça c'était avant qu'il soit "majeur" ! Les "majeurs" inutile d'investir, ils ne vont plus évoluer, c'est pas "rentable", dixit le gouvernement libéral ! Y'a pas de place pour eux !

Dans ma tête, une voix hurle; vous savez ce qu'il me disent les services sociaux, de placer mon fils dans une famille en Belgique ! Rien que ça ! Et comment il le supporterait mon fils ce grand chambardement de sa petite vie, ça tout le monde s'en fiche !

La petite voix continue, elle n'a plus la force de hurler; je le sais bien moi, comment il le vivrait mon fils, comme Michel, qui n'a pas supporté et qui est mort 2 mois après ... Et moi comment je ferais si je ne le vois plus mon fils, que j'ai peur tout le temps pour lui ... ce n'est pas humain de demander ça à une maman !

Bon, on arrive, retour sur terre, malgré cet incident nous voila arrivés chez maman. Arnaud est toujours angoissé, il n'avance pas, on est en retard, déjà plus de sept heures ... Qu'est-ce qui se passe, la porte est fermée à clef ... Zut elle est où cette fichue clef ... La voilà enfin, j'ouvre, pas un bruit ... L'angoisse, je file vers la cuisine. Personne ! L'aide ménagère devrait pourtant être là, vu l'heure !

Vite la chambre à coucher, maman est là toujours au lit ... Ses yeux grands ouverts me regardent soulagés mais gênés. Gênés par quoi !

"Bonjour maman, tu es toute seule ?

-  Oui, toute seule !"

Elle baisse les yeux maman ... Y'a un truc ... J'ouvre ses draps, aïe ... Elle n' a pas pu attendre, forcément à son âge ... Elle a fait pipi au lit ... Vu qu'avec sa hanche, elle ne peut plus se lever seule ... C'est ma faute, je suis en retard, je sais bien que le service de garde itinérante, qui passe la nuit, arrête de fonctionner à sept heures ... Pas question qu'ils répondent à un appel avant de débaucher ...

Je me dis; ma pauvre petite maman, tu n'as pas osé les appeler, je comprends, t’inquiète, mais aïe aïe aïe le boulot, il va dire quoi le chef !

Aussitôt tout haut, je la rassure :"Ok, maman ce n'est pas grave, ça arrive, ce n'est pas de ta faute ... je n'ai pas vraiment le temps, mais je t'emmène te laver vite fait ..."

Aussitôt dit, aussitôt fait, rapide coup d’œil, avant à Arnaud qui fait tourner ses petites voitures ... ok, de ce côté là tout va bien, il joue comme ça pendant des heures ...

Retour maman, faut vraiment que je mette le turbo, si je veux avoir encore un boulot ce soir :

"Ma pauvre maman je te bouscule, mais je n'ai pas trop le choix, désolée ... y'a le boulot, tu sais bien ...

- Oui ma fille je sais bien, je sais bien, je suis désolée de t'imposer tout ça, tu as bien assez avec ton fils ... Si seulement ils n'avaient pas réduit ma retraite comme ça, avec leur CSG, et fait pareil avec la retraite de ton père ... Je n'aurais pas besoin de t'embêter comme ça ! Je suis désolée si tu savais ...

- Maman s'il te plaît, c'est comme ça , on y peut rien, arrête de te torturer, ça ne changera rien, les gens ont voté pour ça, maintenant faut faire avec ...

- Oui mais quand même si j'avais pu rester à la Maison des Lilas, je ne t'encombrerais pas comme ça ...

- On connaissait les règles quand tu es entrée aux Lilas, maman, pas de dépendance, avec ta chute maintenant jamais ils te reprendront, c'est comme ça ..."

Je pense tout bas, tout en la douchant : ben oui, c'est comme pour Arnaud, ce n'est pas rentable les vieux, les malades, trop de besoin en personnel ... J'ai beau chercher partout, dans le public c'est soit y'a pas de place, soit ce sont des mouroirs, je ne peux pas mettre maman dans un endroit comme ça ! Non, elle n'y survivrait pas, c'est au dessus de mes forces ... C'est à se demander si ce n'est pas fait exprès, pour que nos anciens débarrassent le plancher vite fait ... Les maisons privées elle ne peut pas payer et moi non plus ...

Je rumine; tant que j'aurais un boulot et la force de travailler, on s'en sortira, quand je ne pourrais plus, les enfants devront mettre la main à la poche ... d'ici là peut être que les choses iront mieux ...

Je ne supporte plus son regard si triste, ma pauvre maman :

"Tu sais maman, si je ne pouvais pas laisser Arnaud chez toi, avec l'aide ménagère, je ferais comment maintenant que je suis toute seule ... Avec toi au moins il est en confiance ... On est obligé de se serrer les coudes, on n'a pas le choix ..."

Son sourire me fait chaud au cœur !

Allez direction le fauteuil devant la télé, faut que j'appelle l'assos savoir ce qui se passe ... le petit déjeuner attendra un peu ...

"Oui, allo, c'est madame Aled ? L'aide ménagère n'est pas là ?

- Comment ça elle trouve que c'est trop de travail ?

- Que je paye double ? mais je ne peux pas payer double...

- Mais bien sûr que j'ai demandé la retraite de réversion, mais on m'a dit que je n'avais pas encore l'âge !

- S'il vous plait j'ai vraiment besoin de quelqu'un !

-  Demain, pas avant ? Ah ce n' est pas sûr ? Mais ce n'est pas possible, je fais comment aujourd'hui ?

- Vous ne savez pas ? Que je me débrouille, oui c'est ce que je fais tout le temps me débrouiller !"

Clic ! plus personne au bout du fil ... Je pense en moi-même : va te faire cuire un œuf  et plein d'autres choses pas gentilles !

Huit heures, et je suis encore coincée là ... Panique à bord, il va dire quoi le patron là ... Cette fois, il va me virer vite fait bien fait !

En dehors de ma tête, un bruit de fond presque réconfortant ... "brrrr, brrr, brrrr ..."

La télé, ronronne elle aussi, c'est l'heure des nouvelles du matin :

"Comme prévu l'ordonnance concernant les licenciements est parue ce matin, d'application immédiate, elle permet ... blablabla ... blablabla"

Dans ma tête, une voix pleine de rage crie : ben oui, continuez, allez-y, on n'est pas encore tous morts de désespoir ...

Dans ma tête, une voix supplie dans la tempête; au secours, je fais comment là ? Je craque, je n'en peux plus, aidez-moi ! ...

Personne ne répond !

Il est où ce temps, où j'ai cru en un futur désirable ... Je n'ai même plus la force d'y croire, même plus la force de rêver.

Faut que j'appelle le patron, lui dire que je ne viendrai pas aujourd'hui ... on verra bien ...

Maman me regarde, elle doit avoir faim, elle n'a pas eu son petit-déjeuner;
"J'y vais maman, tu vas l'avoir ton petit déjeuner ..."

Mon fils me regarde:
"Coucou mon fils ne t’inquiète pas, tout va bien, maman est là ..."


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