vendredi 2 juin 2017

Réchauffement Climatique : URGENCE !


Bordeaux, le 28 mai, 14h.
Ciel clair, soleil de plomb
33° au thermomètre




Les années 2014, 2015, 2016 ont battu successivement trois records de chaleur.


Les températures moyennes sur terre ont franchi allègrement le seuil de 1° au-dessus des valeurs préindustrielles (période de référence 1850-1890).



 L’année 2016, marquée il est vrai par l’effet El Nino (oscillation périodique des températures des eaux de surface du Pacifique ), a vu cet accroissement de température atteindre 1,18° C en moyenne, avec un pic de 1,6°C pour le mois de janvier 2016.









 Les variations climatiques naturelles




L’étude du passé de la Terre met en évidence des variations du climat de grande amplitude.
Elles interviennent  sur des échelles de temps très longues, typiquement de 20 à 100 000 ans. Ces variations sont bien corrélées avec celles de l’orbite terrestre (excentricité, précession). 

La variabilité solaire de très courte période (~ 11 ans), liées aux instabilités magnétohydrodynamiques de notre astre, à également une influence, localisée dans le temps, sur le climat.




Finalement, le volcanisme peut, en libérant dans l’atmosphère des masses colossales de poussière et de gaz opaques au rayonnement solaire, provoquer des refroidissements brutaux. C’est par exemple le cas de l’éruption du volcan Islandais Lakagigar en 1783 et 1784 qui s’est accompagnée de plusieurs années de récoltes catastrophiques en Europe de l’ouest. La crise des grains des années 1786-1789, qui a précipité la Révolution Française, en est une conséquence.


Le Groupe International d’Experts sur le Climat


L’observation des températures terrestres sur la période allant de 1890 à nos jours montre un progression régulière, à un taux d’environ 0,008°C par an et une accélération au cours des 10 dernières années, supérieure 0.05°C par an, pour atteindre 0,3°C par an au rythme actuel.
 Les changements climatiques présentement à l’œuvre ne peuvent être intégralement attribués à des causes naturelles.  En 1988 est créé un groupe d’experts, à partir de l’Organisation Météorologique Mondiale et du Programme des Nations Unies pour l’environnement, dans  le but d’établir une expertise scientifique sur le réchauffement climatique : le GIEC. 


Le GIEC publie de 1990 à 2016 cinq rapports, dont la validité est soutenue par l’immense majorité de la communauté scientifique,  qui établissent que :

-       -   La principale contribution physique au réchauffement observé est la réabsorption par l’atmosphère de la chaleur rayonnée par la Terre (forçage radiatif, ou « effet de serre »)
     
-        - Les substances qui aggravent cette réabsorption son principalement le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), et l'eau (H2O)

     - Que la concentration de CO2 dans l’atmosphère est essentiellement due à la combustion de combustibles fossiles (charbon, hydrocarbures), passant ainsi de 280 ppm (parties par millions) à 420 ppm du début de l’ère industrielle à nos jours.


Pour comprendre l’effet de serre

Le soleil émet de la lumière visible. La terre réémet de la lumière infrarouge


Tout corps émet du rayonnement. Il s’agit de rayonnement électromagnétique, de même nature que la lumière visible, les rayons X, ou les ondes radio.
La puissance rayonnée sera d’autant plus grande que le corps est chaud. Si on double la température, on multiplie par 16 la puissance rayonnée !
Le rayonnement thermique est composé d’un spectre continu de longueurs d’ondes. Plus le corps sera chaud, plus ces longueurs d’onde seront courtes.
Par exemple, le soleil, dont la température de surface est d’environ 5500 degrés, émet préférentiellement du rayonnement de 0.6 microns de longueur d’onde : c’est de la lumière jaune.
Un corps à température ambiante émettra des rayons de plusieurs microns de longueur d’onde : c’est du rayonnement infrarouge, invisible à l’œil nu, mais dont on peut sentir l’effet bienfaisant devant un radiateur.


Le rayonnement infrarouge est absorbé par le CO2


L’atmosphère terrestre est quasiment transparente à la lumière jaune. 70% du rayonnement solaire incident arrive jusqu’au sol où il est seulement réfléchi par les sols « blancs » : glace, neige, déserts. 
Le reste est absorbé par le sol et le réchauffe. 
Ce sol rayonne en retour de la lumière infrarouge. Cette lumière ne peut pas s’échapper de la terre, car elle est très bien réabsorbée par le dioxyde de carbone et le méthane de l’atmosphère.

Modèle simplifié du bilan thermique de la Terre.
 Les flèches représentent  les flux de chaleur en W/m2



Pour monter la température, un bouton : le CO2

 


Une planète dépourvue d’atmosphère pourra rayonner vers le vide l’intégralité de l’énergie solaire incidente et demeurer froide. 

Par exemple, Mars, qui a une atmosphère extrêmement ténue, est très froide : -63°C

Terre, grâce à l’effet de serre, a une température de surface moyenne de 15°C, ce qui est déjà plus sympa. 

Augmentons la teneur en CO2 de l’atmosphère, et nous verrons la température monter : Vénus, dont l’atmosphère est composée de 96% de CO2 sous une pression de 90 bars est un enfer : 465°C en surface !



 Les température atteintes au cours de l'histoire de la Terre sont 
étroitement corrélées avec la concentration en CO2 de l'atmosphère

Quand les effets renforcent les causes


Quand un effet est simplement proportionnel à une cause unique, il est facilement prévisible, et la plupart du temps contrôlable.
Quand au contraire l’effet modifie les conditions d’action de la cause, cet effet peut présenter des variations brutales, voire catastrophiques.

Prenons un exemple simple : un variateur de courant contrôle la luminosité d’une lampe. Vous tournez le bouton à droite, la luminosité s’accroît, vous tournez à gauche, elle diminue. Vous contrôlez.
 Imaginez maintenant que l’état du variateur dépende de la luminosité ambiante, par exemple qu’il délivre davantage de courant en cas de forte lumière. Vous tournez le bouton à droite, la lumière jaillit mais vient exciter le variateur qui délivre alors encore plus de courant, ce qui produit une lumière encore plus intense.
Cette boucle de rétroaction se terminerait par la destruction simultanée de la lampe et du variateur.

De nombreuses rétroactions de ce type ont été mises à jour dans les sciences du climat.

Glaces océaniques et continentales

 

 Modifications de la calotte glaciaire arctique 
selon différents scénarios retenus par le GIEC

Un premier effet de ce genre tient à la superficie des zones enneigées ou recouvertes de glace. Glace et neige, en réfléchissant directement la lumière solaire, réduisent la puissance thermique reçue par la terre.


La fonte partielle de ces étendues fera donc croître la température moyenne, entraînant en retour une fonte accrue : le réchauffement s'auto-alimente.

Et c'est ce qu'on observe dans l'océan glacial arctique où la banquise peine à se régénérer après les débâcles d'été:
en 1980, 20% de la banquise arctique était composée de glace datant de plus d'un an.
en 2016, selon les relevés obtenus par satellite, seulement 3% de la banquise était composée de cette glace, signe d'une fragilisation.

Dégel du pergélisol

 

Dans les régions proches du cercle arctique, le sol est gelé en profondeur depuis des milliers d'années. Ce pergélisol représente un quart de la superficie des terres émergées de l'hémisphère nord.
Entre 1000 et 2000 milliards de tonnes de carbone d'origine végétale s'y sont accumulées depuis la dernière glaciation, constituant ainsi le plus grand réservoir de carbone continental de la planète.
Le pergélisol commence à se réchauffer, voire à dégeler par endroit, libérant dans l'atmosphère du méthane et du dioxyde de carbone.Le dégagement de méthane est actuellement de quelques dizaines de milliards de tonnes par an sur l'ensemble des lacs arctiques.
Ce phénomène, qui est susceptible de concourir puissamment au réchauffement du climat, est pour l'heure mal évalué dans les modèles théoriques.

 dégel en cours du pergélisol dans le nord canadien

 

Séquestration naturelle du carbone



Blanchiment du corail. 
50% du corail des eaux équatoriales est mort ou malade

Les océans et les forêts constituent le principal puits de carbone.


Le CO2 dissous dans l’eau de mer est assimilé via le plancton, les coraux, les poissons, mais cette capacité est limitée et tend à se réduire avec le réchauffement.
En premier lieu parce que l’élévation de température de l’eau réduit le taux d’oxygène et ensuite parce que l’accroissement du taux de CO2 dissous conduit à une acidification néfaste au plancton et aux coraux.
L’extension de ces océans acides, jointe à l’existence déjà avérée de zones mortes par hypoxie (comme la mer Baltique et de nombreuses zones côtières ) pourrait être fatale à la vie marine et simultanément favoriser un relargage de méthane.
Un second concours à la séquestration du carbone est constitué par le couvert végétal, et singulièrement par les forêts équatoriales. Or l’activité biologique des forêts se réduit en cas de fortes températures. 
De la même manière, alors que le réchauffement climatique est a priori favorable à la croissance des forêts boréales, celles-ci se montrent très sensibles aux stress hydriques qu’entraînent les sècheresses estivales (rupture du système vasculaire et embolie). L’efficacité future des forêts en tant que puits de carbone est donc incertaine, mais l’hypothèse selon laquelle elle pourrait être réduite par l’élévation des températures ne peut pas être négligée.

Les scénarios de travail du GIEC

 

Afin de prédire l’évolution future du climat, le GIEC a envisagé plusieurs scénarii, dénommés RCP (Representative Concentration Pathway) qui concernent différentes hypothèses quant au taux d’émission annuelle de gaz à effet de serre. (GHG pour Green House Gas)
Les quatre scénarios sont nommés d'après le niveau de forçage radiatif  obtenu pour l'année 2100 : 
le scénario RCP2.6 correspond à un forçage de +2,6 W/m2, le scénario RCP4.5 à +4,5 W/m2, et de même pour les scénarios RCP6 et RCP8.5.
Les courbes ci-dessous présentent ces chemins en fonction du temps pour les différents scénarios ainsi que la part correspondante du renouvelable non fossile dans la production d’énergie.





RCP2.6 est le scenario le plus optimiste : les émissions de gaz à effet de serre se maintiennent au taux de 2011 et commencent à décroître à partir de 2020. Dans ce scénario, la concentration de CO2 est maintenue en dessous de 500 ppm (410 en 2016).
Dans le scenario RCP8.5, les émissions de gaz à effet de serre continuent de croître au rythme actuel. La concentration de CO2 atteint 900 ppm en 2100.

 

Évolution de la température moyenne pour les différents scénarios


Les planches suivantes représentent les élévations de température prédites dans les différentes hypothèses retenues. A noter que la référence prise ici n’est pas la température préindustrielle mais la température moyennée sur la période 1980-2000, déjà supérieure de 0,7°C à celle de la période 1850-1890.




 Température moyenne pour différents scénarios (écarts à la moyenne 1980-2000)
Le scénario le plus optimiste prévoit pour 2100 une élévation de température comprise entre 1.5 et 2°C au-dessus des niveaux préindustriels.

Le niveau des océans s'élèverait de 60cm à 1m en 2100.

 

Parmi les conséquences déjà observables du réchauffement figurent le retrait des glaces polaires et la fonte des glaciers continentaux. 
Une conséquence notable de la fonte des glaciers est l’élévation du niveau des océans et l'abaissement local de la concentration en sel. Une autre cause de l’élévation du niveau des océans est leur augmentation de volume sous l’effet de l’accroissement de température.
 Elévation prévue du niveau des mers selon les deux scénarios extrêmes (GIEC-2011)


Les observations récentes des processus de fonte des glaciers du nord canadien indiquent que leur fonte pourrait être bien plus rapide que prévue, ce qui conduit à réévaluer les estimations à la hausse .
Ainsi, le niveau des mers en 2100 pourrait s’accroitre de 60 cm à 1m dans le scénario RCP2.6, et de 1m à 1,5m  dans le scénario RCP8.5.
Le scénario moyen RCP 6.0 prévoit  une  élévation moyenne de 0.86 m





Etat du monde apres une montée des eaux de 60 cm



   
et si tout fondait (2300 ?)






La modération du réchauffement climatique est une urgence absolue



L’élévation au-delà de 2°C de la température moyenne de la Terre  amènerait des bouleversements de très grande ampleur de la vie terrestre et de la société humaine.

Les espèces vivantes ne peuvent s’adapter à une modification importante du climat en un laps de temps de seulement un siècle. La biodiversité, déjà mal en point, pourrait énormément souffrir, sur les continents, du fait de la disparition des habitats  naturels et dans les océans, en raison de leur acidification.
Selon les estimations, de 10 à 50% des espèces vivantes pourraient disparaître.

L’agriculture des pays tropicaux est particulièrement vulnérable au réchauffement puisqu’on anticipe que les zones sèches le seront encore davantage et les zones de fortes précipitions seront encore plus humides.  
En particulier, l’accroissement prévu des précipitations en Asie du sud, joint à l’élévation du niveau des mers et à l’érosion des littoraux, pourrait provoquer la submersion des deltas des grands fleuves, Gange, Brahmapoutre, Mekong, Fleuve Jaune, ou vivent des centaines de millions de personnes. La submersion des archipels de Papouasie et des atolls du Pacifique est déjà en cours.

La migration massive de réfugiés climatiques pourrait devenir un des grands problèmes humains du XXI° siècle.


La COP21

 

La courbe des températures a pris ces trois dernières années une inflexion inquiétante, non prévue par les modèles de climat. Comme plus de 90% de l’énergie thermique  reçue est stockée dans les océans, les effets du réchauffement présent se feront sentir pendant plusieurs siècles.
Ces faits soulignent l’urgence d’une action coordonnée au niveau mondial.
Les engagements pris par les 195 nations représentées à la COP21 visent à maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle.

Notons que ces engagements ressemblent plus à une pétition de principe qu’à un traité puisqu’ils ne prévoient pas de mesure de contrôle ni a fortiori de contrainte.



Les propositions du futur désirable



Le programme présidentiel défendu par Benoît Hamon et Yannick Jadot fixe pour objectifs :
50% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique dès 2025
100% de renouvelable dès 2050

Ces objectifs sont ambitieux. Si ils étaient atteints, ils placeraient la France sur la trajectoire RCP2.6 du GIEC.

Le plan d'action comporte plusieurs volets


-        Un plan d’aide aux citoyens et aux collectivités locales pour s’équiper en matériel de production d’énergie renouvelable.
-        le fléchage des financements privés vers les investissements verts grâce à des mécanismes incitatifs et la suppression de toutes les subventions aux énergies fossiles.
-        La réorientation de l’électricien national : « l’Etat poussera EDF à renforcer ses recherches sur la production et le stockage d’énergies renouvelables. Plutôt que de privilégier le nucléaire, EDF accompagnera la décentralisation de la production d’énergies vertes »
Un tel plan suppose une réduction sensible de la consommation d’énergie, donc des modifications profondes dans les modes de consommation, mais également dans l’industrie, l’habitat, les transports, et l’agriculture.

Par ailleurs, il serait difficilement réalisable et sans effet notoire hors d’une coopération résolue à l’échelle de l’Europe.
  
La dernière proposition du Futur Désirable va dans ce sens :


-« Je construirai et proposerai un plan d’investissement de 1000 milliards centré sur la transition écologique et à destination prioritaire des zones de l’Europe les plus défavorisées. Il nous appartient de reconstruire la légitimité de l’Union Européenne sur cette thématique fondamentale pour l’avenir des peuples via une contribution ambitieuse des États"

Les données et graphiques présentés ici proviennent majoritairement du GIEC, des sites des Nations Unies, du CNRS, et de la NASA.
Les sites américains sont de plus en plus difficiles à exploiter et les données utiles tendent à disparaître des portails, en particulier du site de l'agence américaine de protection de l'environnement. Il est fréquent de trouver comme réponse à une requête sur le climat :
 “This project is no longer funded and will not be updated"



Aristide Kufudakis

 





1 commentaire:

  1. Bravo Aristide, je crois qu’il n’y a rien de plus difficile que de vulgariser des sujets scientifiques ! Bravo pour les propositions du futur désirable et ce coup ci honneur à Yannick Jadot ...

    RépondreSupprimer

Tout commentaire agressif et raciste sera enlevé, mais des dialogues constructifs sont les bienvenus

La valse des idées brunes par Myriam Da Molin

Je regrette l'époque où tout le monde autour de moi avait lu «matin brun» et se demandait comment lutter contre cette dangereuse ind...

Rechercher dans ce blog

Mentions

La Voix des Semeurs est membre du Réseau

"Semeurs Citoyens"




Les avis exprimés par les différents contributeurs varient et sont de la seule responsabilité de leurs auteurs mais respectent les principes républicains de la Constitution Française, ainsi que la Loi sur la Liberté de la presse du 29 Juillet 1881.

Notre ligne éditoriale humaniste et utopiste fait admettre dans notre sein une pluralité d'opinions et non une ligne stricte imposée par la rédaction.

Aussi des nuances d'opinion se retrouvent dans les contributeurs et auteurs, et cette pluralité est encouragée dans notre réseau.